Le « sourcing » est une pratique consacrée depuis 2016 et recommandée pour les acheteurs publics, notamment lorsque le besoin est nouveau ou comporte des innovations.
Conformément à l’article L. 2111.1 du code de la commande publique, l’acheteur doit définir ses besoins en recourant à des spécifications précises qui sont des prescriptions techniques décrivant les caractéristiques d’un produit, d’un ouvrage ou d’un service.
Une définition précise des besoins par l’acheteur permet notamment de procéder à une estimation fiable du montant du marché public, cette estimation déterminant elle-même le choix de la procédure à mettre en œuvre.
Dans cette perspective, le sourcing recouvre donc les actions de recherche de prestataires et l’évaluation de leur capacité à répondre aux besoins du pouvoir adjudicateur en termes de coûts, de qualité et d’innovation (notamment environnementale et sociale).
Ces actions doivent être menées en amont de la consultation.
Comme rappelé par le Guide de l’achat public de 2019 consacré au « Sourcing opérationnel », c’est dans ce cadre que les résultats de ces études et échanges préalables sont utilisés par l’acheteur pour formuler un besoin adapté et accroître la performance achat.
Retour sur une pratique encore peu utilisée et qui peut s’avérer particulièrement utile pour les acheteurs qui veulent innover, que ce soit en matière environnementale ou sociale (par exemple, dans des projets relatifs à l’ESS). Et ce d’autant plus que lorsqu’il détermine la nature et l’étendue de ses besoins, l’acheteur doit désormais prendre en compte « des objectifs de développement durable dans leur dimension économique, sociale et environnementale » (article L. 2111-1 du code de la commande publique).
1.- Le sourcing, un outil d’aide à la décision
1.1- La définition du besoin est au cœur de la démarche de sourcing, qui est consacrée par le code de la commande publique, à l’article R. 2111-1 du code de la commande publique :
« Afin de préparer la passation d’un marché, l’acheteur peut effectuer des consultations ou réaliser des études de marché, solliciter des avis ou informer les opérateurs économiques de son projet et de ses exigences.
Les résultats des études et échanges préalables peuvent être utilisés par l’acheteur, à condition que leur utilisation n’ait pas pour effet de fausser la concurrence ou de méconnaître les principes mentionnés à l’article L. 3. »
1.2- A partir de l’analyse préalable et du recueil du besoin en interne, l’acheteur identifie un panel de fournisseurs à rencontrer.
Comme rappelé par le Guide de l’achat public de 2019 consacré au « Sourcing opérationnel », les échanges avec les fournisseurs identifiés visent à comprendre comment fonctionne le marché des prestations recherchées et à identifier les spécifications techniques qui constituent des contraintes pour le fournisseur, notamment celles générant des coûts supplémentaires et celles empêchant certains opérateurs économiques de répondre.
Afin que les échanges avec le prestataire soient efficaces, au préalable, l’acheteur et les prescripteurs doivent avoir une idée générale du projet d’achat (objet, périmètre, identification des contraintes, etc.).
Le sourcing permet ainsi de rapprocher le besoin de l’acheteur de l’état de l’art et du marché fournisseur (analyse des coûts, contraintes, durée de vie des matériels, innovations possibles, etc.).
1.3- Lorsqu’il doit faire face à des achats plus complexes, stratégiques ou correspondant à un besoin nouveau (innovation médicale, environnementale, par exemple), l’acheteur peut également lancer un appel à compétences.
Dans ce document, il peut présenter les grandes lignes de son projet d’achat (objet, volumes d’achat, éléments calendaires, durée du marché…), afin de recueillir des informations plus précises ou d’élargir la base des fournisseurs potentiels, sans pour autant diffuser les éléments détaillés du futur cahier des charges.
2.- Une démarche qui doit être encadrée par certaines précautions
Le sourcing est une démarche qui doit être rigoureusement encadrée et préparée par l’acheteur.
L’article R. 2111-2 du code de la commande publique précise que l’acheteur doit prendre certaines précautions, afin de ne pas fausser la concurrence :
« L’acheteur prend les mesures appropriées pour que la concurrence ne soit pas faussée par la participation à la procédure de passation du marché d’un opérateur économique qui aurait eu accès à des informations ignorées par d’autres candidats ou soumissionnaires, en raison de sa participation préalable, directe ou indirecte, à la préparation de cette procédure.
Cet opérateur n’est exclu de la procédure de passation que lorsqu’il ne peut être remédié à cette situation par d’autres moyens, conformément aux dispositions du 2° de l’article L. 2141-8. »
L’acheteur doit être d’autant plus prudent, que le code pénal réprime le délit d’avantage injustifié à son article 432-14 du Code pénal, qui est le fait « de procurer ou de tenter de procurer à autrui un avantage injustifié par un acte contraire aux dispositions législatives ou réglementaires ayant pour objet de garantir la liberté d’accès et l’égalité des candidats dans les marchés publics et les contrats de concession ».
Ainsi, outre les risques sur le plan pénal qu’encourrait un acheteur peu précautionneux, le sourcing ne doit aboutir à une rupture d’égalité de traitement des candidats à la commande publique ou à une atteinte à la liberté d’accès à celle-ci.
La jurisprudence administrative est encore rare sur ce sujet.
Toutefois, il ressort des décisions récentes que le juge administratif vérifie qu’aucune information confidentielle n’a été divulguée dans le cadre du sourcing et qu’aucun acteur n’a été associé directement à la préparation de la procédure de passation (Tribunal administratif de Lyon, 9 juillet 2021, n° 2104957).
Les opérateurs qui ont participé à la préparation du marché peuvent, en principe, se porter candidat à la procédure de passation du marché.
Ce n’est que si un opérateur a eu accès à des informations ignorées des autres candidats, susceptibles de fausser la concurrence, que l’acheteur doit l’exclure de la mise en concurrence lorsqu’il ne peut être remédié à cette situation par un autre moyen (Tribunal administratif d’Orléans, 1ère chambre, 15 novembre 2022, n° 2002278).
3.- Principes et recommandations pratiques
Au regard de ce qui précède, il est ainsi recommandé de respecter plusieurs principes :
- le niveau d’information donné aux entreprises rencontrées doit se limiter aux seuls éléments permettant de comprendre a minima le besoin général ainsi que le contexte dans lequel il s’inscrit. Dévoiler avant la consultation une partie du cahier des charges (délais, niveaux de service, etc..) reviendrait en effet à pénaliser les candidats n’ayant pas participé à ce sourcing. Les informations qu’il est possible de communiquer sont notamment : la volumétrie (quantités, estimation du budget), le calendrier prévisionnel, le périmètre administratif et géographique, la durée…
- l’acheteur doit veiller à consacrer le même temps à chaque fournisseur rencontré et à donner le même niveau d’information à chacun d’eux afin de garantir l’égalité de traitement. Cette précaution s’applique dans le cadre du sourcing, mais aussi dans celui de la procédure d’achat qui sera lancée à la suite du sourcing : l’acheteur public devra ainsi impérativement mettre à disposition, au sein des documents du marché public, l’ensemble des informations qu’il aura communiquées à l’occasion du sourcing organisé antérieurement à la passation du marché.
- Par ailleurs, le Guide de l’achat public préconise la réalisation par l’acheteur d’un compte-rendu d’entretien pour chaque fournisseur reçu. Ce support doit contenir les réponses aux questions adressées par l’acheteur en amont des échanges. Il doit permettre d’assurer la traçabilité et la transparence des échanges de manière rigoureuse. Il pourra être remis au juge en cas de contestation pour justifier que les informations échangées dans le cadre du sourcing n’ont pas eu pour effet de remettre en cause l’égalité de traitement entre les candidats.
A ce titre, il sera porté une attention particulière aux informations confidentielles couvertes par le secret des affaires, les comptes-rendus ne pouvant pas être communiqués aux autres fournisseurs ayant participé au « sourcing » qui en feraient la demande.