Dans le cadre de la Politique agricole commune, de nombreux investissements agricoles peuvent bénéficier de subventions européennes, qui sont généralement gérées par l’établissement FranceAgrimer.
Les exploitants agricoles bénéficiaires de ces subventions doivent respecter un certain nombre de conditions administratives, fixées par la décision qui leur a accordée la subvention, ce qui se révèle parfois un vrai casse-tête administratif.
Lorsque la subvention octroyée est retirée par décision de FranceAgrimer, l’exploitant agricole concerné doit savoir qu’il est toujours possible de contester les conditions de ce retrait.
Le contrôle de l’utilisation des subventions agricoles vise essentiellement à s’assurer que ces dernières n’ont pas été utilisées pour un autre objet que celui qui était initialement le leur et notamment à contrôler l’absence de fraude.
Les contrôles qui doivent être effectués par l’Etat membre doivent revêtir un « caractère effectif, proportionné et dissuasif de manière à assurer une protection adéquate des intérêts financiers des Communautés » (article 76 du règlement n°555/2008).
Conformément aux principes généraux définis par les articles 26, 27 et 28 du règlement (CE) n°1975/2006, qui « s’appliquent mutatis mutandis », les contrôles administratifs sur les demandes de paiement doivent « comprendre notamment, et pour autant que cela soit approprié pour la demande en question, une vérification :
a) sur la fourniture des produits et services faisant l’objet du cofinancement ;
b) sur la réalité des dépenses déclarées ;
c) sur l’opération achevée en la comparant à l’opération pour laquelle l’aide a été soumise et accordée. »
Les Etats membres doivent procéder à la récupération de tout paiement indu auprès des bénéficiaires concernés (article 97), étant souligné que le programme national doit prévoir l’application de sanctions pour les irrégularités commises à l’égard des exigences énoncées dans le règlement (CE) n°479/2008, qui soient « effectives, proportionnées et dissuasives de manière à assurer une protection adéquate des intérêts financiers des Communautés » (article 98). Les sanctions ne sont pas appliquées en cas de force majeure ou de circonstances exceptionnelles (article 102).
Il revient à l’Etat membre de mettre en place à la fois un « système permettant l’application de sanctions administratives en cas de manquement à l’une quelconque des obligations résultant de l’application du présent règlement, prenant en considération la gravité, l’étendue, la persistance et la répétition du manquement constat », ainsi que les règles relatives à la répétition de l’indu et en matière de notification des contrôles effectués et de leurs résultats (article 117 du Règlement n°479/2008).
C’est ce qu’ont rappelé récemment les juridictions administratives s’agissant de subventions vinicoles dans plusieurs décisions (TA Bordeaux, 27 septembre 2017, n°1505254 et CAA Bordeaux, 20 mai 2020, n°17BX03662).
Ainsi, l’édition de factures après la date limite de réalisation des travaux ne peut être sanctionnée par le retrait de la subvention, dans la mesure où cela n’avait pas été prévu dans les conditions d’octroi de ladite subvention :
« 10. Si FranceAgriMer fait valoir que la facture afférente à ces quatre cuves, datée du 4 juillet 2014, est postérieure à la date limite de réalisation des travaux, fixée au 25 juin 2014, ni l’article 8 de la décision du Directeur Général de FranceAgriMer du 19 février 2013, ni aucune autre disposition de cette décision, s’agissant notamment de son article 5-6, ne prévoit une réduction, voire un retrait, de l’aide dans le cas où la facture afférente aux travaux réalisés serait émise après la date limite de réalisation des travaux. A cet égard, et contrairement à ce que soutient FranceAgriMer, la circonstance qu’une facture afférente à l’investissement aidé soit émise quelques jours après la date limite fixée pour la réalisation des travaux ne saurait s’analyser comme une irrégularité au regard du droit communautaire, au sens et pour l’application des dispositions des articles 1er et 4 du règlement (CE, EURATOM) n°2988/95 du conseil du 18 décembre 1995 relatif à la protection des intérêts financiers des Communautés européennes.
(…)
12. Il résulte de ce qui précède que FranceAgriMer n’est pas fondé à soutenir que c’est à tort que le tribunal administratif de Bordeaux a annulé la décision du 2 octobre 2015 du directeur général de cet établissement rejetant la demande de versement de l’aide aux investissements présentée par la SCEA du Château Haute-Nauve dans le cadre de l’organisation commune du marché vitivinicole. » (nous soulignons).
Le Conseil d’Etat (CE, 27 mai 2021, n°433660) a confirmé que les conditions d’octroi d’une subvention ne peuvent être modifiées a posteriori et sont « fixées par la personne publique au plus tard à la date à laquelle cette subvention est octroyée » en ces termes :
« Sous réserve de dispositions législatives ou réglementaires contraires, et hors les hypothèses d’inexistence de la décision en question, de son obtention par fraude, ou de demande de son bénéficiaire, l’administration ne peut retirer une décision individuelle créatrice de droits, si elle est illégale, que dans le délai de quatre mois suivant la prise de cette décision. Une décision qui a pour objet l’attribution d’une subvention constitue un acte unilatéral qui crée des droits au profit de son bénéficiaire. Toutefois, de tels droits ne sont ainsi créés que dans la mesure où le bénéficiaire de la subvention respecte les conditions mises à son octroi, que ces conditions découlent des normes qui la régissent, qu’elles aient été fixées par la personne publique dans sa décision d’octroi, qu’elles aient fait l’objet d’une convention signée avec le bénéficiaire, ou encore qu’elles découlent implicitement mais nécessairement de l’objet même de la subvention. Il en résulte que les conditions mises à l’octroi d’une subvention sont fixées par la personne publique au plus tard à la date à laquelle cette subvention est octroyée ». (nous soulignons)
Et cela vaut en matière de subvention agricole, comme l’a rappelée la Cour administrative d’appel de Nantes dans un arrêt n°20NT03856 du 4 février 2022.
Il s’agit là de la simple application du principe général du droit « en vertu duquel les règlements ne disposent que pour l’avenir » (CE, Ass., 25 juin 1948 Société du journal l’Aurore) et cette règle s’impose, en tout état de cause, à l’administration sauf dans l’hypothèse où un texte de loi l’habilite à y déroger.
Si les exploitants agricoles n’ont ainsi pas toujours le temps de se plonger dans les complexités administratives des subventions agricoles, ils ont pourtant tout intérêt à contester les décisions administratives de retrait d’une subvention, lorsqu’ils estiment avoir rempli les conditions qui ont présidé à son octroi.
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