Selon un rapport d’une mission d’information sénatoriale du 24 juin 2020 consacré à la « transition numérique écologique »[1], « le numérique serait à l’origine de 3,7 % des émissions totales de gaz à effet de serre (GES) dans le monde en 2018 et de 4,2 % de la consommation mondiale d’énergie primaire ».
Il faut ici rappeler que la pollution liée au matériel informatique est non négligeable ; la fabrication d’un ordinateur portable de 2 kg émet 103 Kg de CO2 et mobilise 600 kg de matières premières[2], sans parler des courriels envoyés.
A ce titre, il était important que les personnes publiques remplissent leur rôle dans la promotion d’une transition numérique écologique.
La loi n° 2021-1485 du 15 novembre 2021 visant à réduire l’empreinte environnementale du numérique en France, dite loi REEN, a entendu renforcer la conscience des collectivités territoriales des enjeux liés à la lutte contre l’obsolescence programmée des logiciels, à la formation à l’impact environnemental du numérique ou encore à l’information des consommateurs du numérique, notamment en renforçant renforcer les outils stratégiques à l’échelle des territoires.
Le décret n° 2023-266 du 12 avril 2023 fixant les objectifs en termes de réemploi et de réutilisation du matériel informatique des personnes publiques précise les modalités d’application de l’article 16 de cette loi, qui prévoit que les équipements informatiques fonctionnels dont les services de l’Etat ou les collectivités territoriales et leurs groupements se séparent doivent être orientés vers le réemploi ou la réutilisation.
Les personnes publiques se mettent à la seconde main et l’on s’en réjouit…
I. Des objectifs progressifs
L’article 3 du décret fixe des objectifs annuels progressifs de réutilisation ou de réemploi des appareils informatiques : ainsi en 2023, 25% des appareils usagés doivent être réutilisés ou réemployés, ce sera 35% en 2024 et 50% en 2025.
Si ces objectifs apparaissent dans un premier temps peu ambitieux, il est à espérer qu’ils continuent d’évoluer avec les années notamment parce que le décret va permettre une mise en place effective de la réutilisation et du réemploi des appareils informatiques dans les collectivités publiques. A n’en pas douter, cette démarche, une fois lancée, deviendra plus facilement accessible et devrait donc être privilégiée par les personnes publiques.
II. Un large champ d’application
Les objectifs fixés par la loi concernent les appareils mentionnés aux 2) et 6) de l’article R. 543-172 du Code de l’environnement, c’est-à-dire les « écrans, moniteurs et équipements comprenant des écrans d’une surface supérieure à 100 cm2 » et les « petits équipements informatiques et de télécommunications ».
Sont en revanche exclus :
- les appareils informatiques réformés de plus de 10 ans à la date de la réforme, ainsi que,
- ceux contenant des informations et des supports classifiés par les dispositions R. 2311-1 et suivants du Code de la défense ou contenant des informations régies par des obligations de sécurité spécifiques propres aux personnes publiques.
Le décret ne précise pas comment doivent être traitées les données des appareils qui seront réutilisés.
En effet, indépendamment des appareils écartés du décret, tout appareil informatique contient des données plus ou moins sensibles qui doivent être protégées.
Les ministères consultés sur les objectifs fixés par la loi REEN avaient d’ailleurs fait part de leurs inquiétudes sur ce point. [3]
III. Les modalités de réutilisation ou de réemploi
Concrètement, la personne publique peut orienter de différentes manières l’appareil informatique usagé vers le réemploi.
Revente. Elle peut tout d’abord directement le céder à une autre personne publique. Cette cession peut prendre la forme d’un don facilité par la mise en place d’un site internet permettant d’accéder aux différentes offres de matériel des personnes publiques : https://www.dons.encheres-domaine.gouv.fr/.
L’appareil usagé peut également être vendu par le service du domaine.
Il peut également l’être directement ou par un prestataire pour les collectivités territoriales et leurs groupements.
Ce type de revente a pour avantage de créer des ressources à la personne publique.
Don. Il peut être donné au personnel des personnes publiques ou à certaines associations, fondations ou organismes. Ces dons se font conformément au code de la propriété des personnes publiques, qui prévoit notamment que le bénéficiaire du don ne revende pas le bien reçu.
Une dernière solution est celle de la reprise du matériel par un éco-organisme agréé. Ce dernier devra s’engager à effectuer une opération de réemploi et à justifier de sa réalisation effective.
[1] https://www.senat.fr/rap/r19-555/r19-5550.html
[2]https://www.hellocarbo.com/blog/calculer/impact-du-numerique-sur-l-environnement/#:~:text=Aussi%20appelée%20pollution%20numérique%2C%20cet,soit%20positif%20ou%20bien%20négatif.
[3] Rapport relatif à la mise en application de la loi n°2021-1485 du 15 novembre 2021 visant à réduire l’empreinte environnementale du numérique en France, 8 novembre 2022, page 2