Dans le cadre de leurs activités, l’État, les collectivités locales et les établissements publics sont amenés à percevoir de la part d’usagers des redevances au titre de l’occupation ou de l’utilisation privative du domaine public.
L’article L. 2125-1 du code général de la propriété des personnes publiques (CG3P) dispose, en effet, que toute occupation ou utilisation du domaine public d’une personne publique donne lieu au paiement d’une redevance. Par ailleurs, l’article L. 2125-3 du CG3P mentionne que la redevance pour occupation ou utilisation du domaine public doit tenir compte des avantages en toute nature procurés au titulaire de l’autorisation.
Dans le même temps, en application de l’article 256 du code général des impôts (CGI), sont soumises à la TVA les livraisons de biens et les prestations de services effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel. L’article 256 A du CGI précise que sont assujetties à la TVA les personnes qui effectuent de manière indépendante une activité économique, quels que soient le statut juridique de ces personnes, leur situation au regard des autres impôts et la forme ou la nature de leur intervention.
Au regard de la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) (arrêt du 4 octobre 2001, aff. C-326/99, « Goed Wonen »), la mise à disposition à titre onéreux de biens immobiliers sur le domaine public doit s’analyser comme une activité économique de location immobilière.
Les conditions dans lesquelles cette activité économique s’exerce sont néanmoins susceptibles de conduire au non-assujettissement à la TVA des personnes morales de droit public.
En effet, en vertu de l’article 256 B du CGI, qui transpose l’article 13 de la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée (« directive TVA »), les personnes morales de droit public ne sont pas assujetties à la TVA pour l’activité de leurs services administratifs, sociaux, éducatifs, culturels et sportifs lorsque leur non-assujettissement n’entraîne pas de distorsion dans les conditions de la concurrence. La jurisprudence constante de la CJUE précise que la règle de non-assujettissement à la TVA prévue en faveur des personnes morales de droit public déroge à la règle générale de l’assujettissement de toute activité de nature économique et est subordonnée à deux conditions cumulatives tenant, d’une part, à ce que l’activité soit exercée par un organisme agissant en tant qu’autorité publique et, d’autre part, à ce que le non-assujettissement ne conduise pas à des distorsions de concurrence d’une certaine importance. S’agissant de la première condition, la CJUE a précisé dans sa jurisprudence (CJCE, 14 décembre 2000, « Fazenda Publica », aff. C-446/9 et CJUE, 29 octobre 2015, « Saudaçor », aff. C 174/14) que cette condition est remplie lorsque l’activité en cause est exercée dans le cadre d’un régime juridique particulier aux personnes morales de droit public. Ainsi, l’activité doit être exercée dans des conditions juridiques différentes de celles des opérateurs économiques privés, notamment, lorsque sont mises en œuvre des prérogatives de puissance publique, lorsque l’activité est accomplie en raison d’une obligation légale ou dans le cadre d’un monopole, ou encore lorsqu’elle relève par nature des attributions d’une personne publique. L’appréciation de la notion d’organisme public agissant en tant qu’autorité publique s’apprécie uniquement au regard des modalités d’exercice des activités, sans recherche de l’objet ou du but poursuivi par celles-ci. Si tel n’est pas le cas, la personne morale de droit public est nécessairement assujettie à la TVA à raison de son activité économique sans préjudice des éventuelles exonérations applicables, telles que celles en faveur d’activités d’intérêt général (cf. un avis du Conseil d’État du 12 avril 2019, n° 427540).
S’agissant des redevances domaniales, la personne morale de droit public est réputée agir en qualité d’autorité publique lorsqu’elle a notamment la possibilité de révoquer unilatéralement les autorisations délivrées à titre précaire, qu’elle dispose de la possibilité d’établir des servitudes à son profit ou encore qu’elle exerce des missions de police de conservation en constatant des infractions (contraventions de grande voirie) assorties d’amendes pénales en cas d’atteinte à l’intégrité du domaine public.
Cependant, lorsqu’une personne morale de droit public accorde des autorisations d’occupation du domaine public constitutives de droits réels, elle intervient dans des conditions juridiques similaires à celles des opérateurs du secteur privé. Ainsi, en cas de conclusion d’un bail emphytéotique administratif (BEA), le preneur se voit conférer des droits proches de ceux dont dispose un propriétaire. Il a notamment la possibilité de sous-louer les biens édifiés sur le domaine public. Dès lors, dans le cadre de la délivrance d’un BEA, les redevances perçues par les personnes morales de droit public sont assujetties à la TVA. Par ailleurs, selon le deuxième alinéa de l’article 13 de la directive précitée, même lorsque ces organismes publics exercent une telle activité en leur qualité d’autorité publique, ils doivent être considérés comme des assujettis dans la mesure où leur non-assujettissement conduirait à des distorsions de concurrence d’une certaine importance (en ce sens, CJUE, 19 janvier 2017, aff. C-344/15, « National Road Authority »).
La CJUE a précisé, notamment, que les distorsions de concurrence d’une certaine importance auxquelles conduirait le non-assujettissement des organismes de droit public agissant en tant qu’autorités publiques doivent être évaluées par rapport à l’activité en cause, en tant que telle, sans que cette évaluation porte sur un marché en particulier, ainsi que par rapport non seulement à la concurrence actuelle, mais également à la concurrence potentielle, pour autant que la possibilité pour un opérateur privé d’entrer sur le marché pertinent soit réelle, et non purement hypothétique.
Or, seules les personnes morales de droit public peuvent accorder des autorisations d’occupation privative du domaine public. Partant, elles ne se trouvent pas en concurrence avec les opérateurs privés et les redevances perçues à ce titre ne sont pas assujetties à la TVA, comme l’a rappelé aussi une réponse ministérielle récente.